Jamais trop tard!

May 14, 2007
Op-ed
Published in La Presse (May 14, 2007)

Les discussions intergouvernementales sur une deuxième phase du protocole de Kyoto reprennent aujourd'hui à Bonn. Au cours de cette étape importante vers la conférence des Nations unies sur le climat, qui aura lieu à Bali (Indonésie) en décembre, les gouvernements des pays riches doivent discuter cette semaine de la réduction qu'ils estiment nécessaire des émissions de gaz à effet de serre (GES) après 2012.

Nous connaissons déjà la réponse du Canada, donnée par le ministre de l'Environnement, John Baird, le 25 avril dernier : les émissions canadiennes dépasseront toujours le niveau de 1990 aussi tard qu'en 2020. Nous serons encore loin de notre objectif de la première phase de Kyoto, même avec 10 ans de retard.

L'Europe fait preuve de leadership là où le Canada fait défaut. À la fin de leur rencontre du mois de mars, les chefs de gouvernement des 27 pays de l'Union européenne ont émis un communiqué assez remarquable. Ils ont réitéré l'importance de ne pas traverser le seuil de danger de 2 degrés Celsius de réchauffement planétaire. Ils ont réclamé que soient lancées, à la conférence de Bali, de véritables négociations sur Kyoto II. Et ils ont offert de réduire leurs émissions de 30 % en 2020 par rapport au niveau de 1990, dans le cadre d'une nouvelle entente mondiale suffisamment robuste. En attendant, l'UE adopte unilatéralement un objectif de réduction de 20 % en 2020 par rapport à 1990.

La réduction des GES de 30 % en 2020 par rapport à 1990 est significative, parce que c'est l'effort que l'ensemble des pays développées doivent consacrer, selon les analyses scientifiques, pour conserver l'espoir d'éviter un réchauffement dangereux de 2 degrés.

Certains pays européens n'attendent même pas les négociations des Nations unies. La Norvège s'est déjà engagée à réduire ses GES de 30 % en 2020 par rapport à 1990, et de les réduire carrément à zéro en 2050. Le ministre de l'Environnement allemand propose de réduire les émissions de son pays de 40 % en 2020 par rapport à 1990, et veut que l'Allemagne devienne « le pays au meilleur taux d'efficacité énergétique au monde ». La chancelière Angela Merkel mettra le changement climatique au cœur des discussions du sommet du G8 qu'elle présidera en juin.

Certains lecteurs rétorqueront peut-être que l'UE a bénéficié d'une chute d'émissions fortuite dans les années 1990, grâce à l'effondrement économique des pays postcommunistes et à l'abandon du charbon en Grande-Bretagne pour des raisons non environnementales. Mais ces événements ont réduit les émissions de l'UE de seulement 8 % entre 1990 et 1997, année où les pays de l'Est étaient de nouveau en croissance.

En 1998, au lendemain de la conférence de Kyoto, l'UE se préparait déjà sérieusement à respecter ses engagements, en commençant par la négociation d'objectifs de réduction contraignants pour chaque État membre. En janvier 2005, l'UE était prête à lancer un système d'objectifs de GES réglementés pour 12 000 établissements industriels, assorti d'un marché du carbone où des permis d'une valeur de 19 milliards d'euros se sont échangés en 2006. Bien que ce système ait connu des problèmes de rodage, le prix d'une tonne de GES pour 2008 se situe actuellement à près de 20 euros (30 $), assez pour inciter à de véritables changements.

On peut comprendre la frustration du gouvernement Harper de voir à quel point ses prédécesseurs ont laissé grimper les émissions canadiennes pendant que les Européens commençaient à agir. Mais le retard que nous accusons par rapport à l'Europe en 2007 ne peut pas excuser la volonté de M. Baird de demeurer autant en retard en 2020. Au contraire, étant donné que le Canada émet plus que deux fois plus de GES par habitant que l'UE, on pourrait dire que nous avons la responsabilité non seulement de rattraper, mais de dépasser les Europeéns en matière de pourcentages de réduction.

Au-dela des responsabilités, il y a de bonnes nouvelles concernant les possibilités de réduction des GES. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a rendu public le 4 mai le volet économique de son rapport quinquennal. On y apprend qu'une foule de technologies déjà disponibles nous permettraient de réaliser des réductions radicales de GES, de sorte qu'il est toujours possible d'éviter un réchauffement dangereux, au prix d'un très léger ralentissement de la croissance économique. Mais seulement en commençant immédiatement.